Communiqué du collectif d’artistes « La Buse »

À titre d’information, voici le début du communiqué du collectif d’artistes « La Buse » (la fin du communiqué est avec le lien), suivi par une pétition pour ceux que cela intéressera :

NE SOUTENONS PAS LES ARTISTES COMTEMPORAINS, RÉMUNÉRONS LES TRAVAILLEUR-EUSES DE L’ART

Cette tribune propose des solutions concrètes visant à faire sortir les travailleur·euses de l’art de la précarité et de la dépendance à des dispositifs de soutien. Cela passe par l’obtention d’un statut qui reconnaisse le travail dans toutes ses dimensions.
Pourquoi parler de travailleur·euses de l’art ? 
Ce terme de « travailleur·euses », inhabituel dans le champ de l’art, permet de reconnaître la dimension universelle de la production d’une valeur non réductible aux processus de marchandisation capitaliste. Toute activité produit une valeur d’usage et est de ce fait légitime à obtenir une reconnaissance sociale et des droits afférents. Pris dans ce sens élargi, ce terme de « travailleur·euses » permet d’échapper à la position de demandeur·euses d’aides ou de subventions, comme si le travail réalisé ne produisait rien par lui-même.
Aides d’urgences, pour qui ? 
Le monde de l’art d’avant la crise sanitaire était déjà économiquement invivable pour une majorité de personnes qui y travaillent. L’absence de droits protecteurs et les inégalités de revenus sont particulièrement fortes dans le champ de l’art, au point qu’il peut être considéré comme figure de proue du néolibéralisme. La crise du Covid n’a fait qu’accroître ces inégalités et les rendre plus visibles.
Cette absence de reconnaissance d’une partie des activités artistiques et la faiblesse des rémunérations condamnent beaucoup d’artistes à une polyactivité subie. Affirmer que nous sommes tous·tes producteur·ices de valeurs économiques permettrait de refuser ce bricolage institutionnel délétère entre différents statuts (artistes-auteur, auto-entrepreneurs, CDD, etc…) n’offrant pas les mêmes droits. Ne plus séparer arbitrairement les activités dites principales des activités dites accessoires permettrait également d’échapper à cette hiérarchisation qui n’est pas en accord avec la diversité du travail dans le champ de l’art. L’écriture d’un texte, l’accrochage d’une œuvre, la présentation du travail, l’organisation d’un atelier ou la médiation sont des activités tout aussi légitimes que la création.
Les dispositifs de soutien actuel étant fondés sur une définition limitante du travail, ils ne font que perpétuer les inégalités préexistantes, aussi bien économiques, sociales, que symboliques. À titre d’exemple, les acquisitions publiques du CNAP et des différents Frac en 2019 concernent à peine 400 artistes alors que la MDA recense 62 645 artistes-auteur·ices. De la même façon, seulement 2% des artistes-auteur·ices potentiellement éligibles au fond de solidarité pour les TPE en bénéficient.
Indépendant·es ultra dépendant·es :
L’activité des travailleur⋅euses de l’art est soumise à des logiques marchandes (vente d’œuvres, vente de prestations, etc.) et à des mécanismes de compensation (bourses, appels à projets, prix, résidences, etc.), ce qui engendre une concurrence permanente entre les individus. La reconnaissance du travail dépend du bon vouloir de certaines institutions qui disposent ainsi d’un pouvoir de vie et de mort sociale exorbitant. Dans ce cadre, penser qu’il suffit de financer les institutions pour « soutenir » les artistes relève d’une théorie du ruissellement qui a tout d’une fiction économique. Enfin, la naturalisation de la notion de talent individuel permet de faire accepter cette logique du « tous contre tous » par ceux et celles qui la subissent.

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